Nous produisons nos semences pour que chaque graine participe à la continuité de la vie sur terre et à la dynamique de la biodiversité dont l’homme est partie prenante.
Parce qu’on est dans une époque de conflits, et que chaque guerre, chaque crise économique renvoie les individus, les sociétés civiles, vers leurs besoins les plus essentiels : se loger, s’habiller, se nourrir. Et le constat est amer : un citadin ne sait plus cultiver une plante, un paysan dépend presque exclusivement de quelques grosses multinationales pour s’approvisionner en semences. En Grèce, en Syrie, ailleurs, les populations déstabilisées par la crise, la guerre, recherchent des semences. En Syrie, en Irak, berceau des céréales, les banques de semences ancestrales ont été détruites systématiquement par les occidentaux : elles représentaient un patrimoine inestimable de semences anciennes domestiquées par des générations de paysans. Et il est trop dangereux de confier ce patrimoine à quelques“ banques génétiques“ difficiles d’accès pour le paysan. Ne pas oublier aussi les sanglantes“émeutes de la faim“ de la décennie passée (du début du 21ème siècle), urbaines pour la plupart, dans un contexte de spéculations sur les céréales, et de perturbations climatiques.
L’AGRICULTURE INDUSTRIELLE NOUS DÉPOSSÈDE DE NOS SAVOIR-FAIRES
Aujourd’hui, les plantes manipulées génétiquement recouvrent, au niveau mondial, une surface agricole équivalente à celle de l’Europe de l’Ouest.
Depuis 2001, on sait que les collections de maïs anciens du Mexique, berceau de cette culture, sont contaminées par du maïs OGM importé des Etats-Unis. Ces OGM qu’on veut nous imposer ne résoudront en rien la famine et la malnutrition, ou les maladies des plantes et des humains. Elles sont au contraire un danger, pour l’environnement, pour la santé.
On sait aussi, au niveau agronomique, que la plupart des maladies des plantes sont créées aujourd’hui par l’agriculture industrielle. Les monocultures actuellement pratiquées par des systèmes agraires simplifiés à l’extrême entraînent une érosion génétique irréversible, porteuse de famines à venir. Elles sont une insulte à l’ingéniosité sans limite de générations de paysans qui, grâce à elle, ont pu survivre. Le monopole de l’agro-industrie sur un marché standardisé et mondialisé a provoqué la destruction de ces systèmes agraires millénaires qui avaient permis à des générations de se nourrir.
NOUS VOULONS AUGMENTER LA DIVERSITÉ DES ESPÈCES VÉGÉTALES CULTIVÉES
Alors qu’il existait des milliers d’espèces alimentaires sur la planète, elles sont aujourd’hui en voie de disparition accélérée et l’alimentation mondiale repose sur un nombre très restreint d’espèces végétales.
Par exemple, en France, 700 variétés d’avoine conservées dans les congélateurs de l’INRA ont été brûlées, un patrimoine génétique qui part en fumée, parce que cela coûte cher à conserver, et que les chevaux de trait ont disparus, eux dont l’avoine était le carburant principal. Mais qui sait si, un jour, nous ne devrons pas revenir à la traction animale?
Dans l’élevage, la catastrophe est tout aussi grave. La conséquence est que fragilité, maladies et épidémies se développent sans retenue, exacerbées par la consanguinité. Autrefois, chaque pays, chaque vallée avait sa variété adaptée au terroir. Les échanges entre paysans étaient multiples. Les variétés voyageaient. Dans les années 50, en Chine, 10 000 variétés de riz étaient utilisées, chacune avec ses qualités propres.
Mais l’agriculture industrielle nécessite des variétés homogènes et stables, le contraire des critères de sélection des paysans qui travaillent sur des“ populations“, et qui pratiquent une sélection“ massale“. Populations où il existe beaucoup de diversité, de faculté d’adaptation, d’évolution, de résistance aux contraintes fluctuantes du milieu. Tout le contraire des“variétés“ industrielles.
Il est essentiel de comprendre ces données car elles hypothèquent l’avenir agricole de la planète, tout en nous faisant croire qu’elles sont la seule voie possible pour assurer l’alimentation d’une humanité en expansion démographique.
SE RÉAPPROPRIER UN PATRIMOINE COMMUN
L’équation est simple: la disparition des paysans, c’est la disparition des variétés et des savoir-faire qui leur sont attachés. C’est pour cela que l’on dit que les paysans et les jardiniers sont les gardiens des semences, et qu’il faut multiplier leur installation.
Pour toutes ces raisons, il nous faut conserver toute la diversité possible des variétés anciennes, et leur accès libre et gratuit, car elles sont les semences du futur. La seule garantie de leur survie est d`être cultivées dans nos jardins, pas d’être conservées dans des frigos ou des banques de gènes.
Heureusement, la richesse et la diversité des différentes traditions alimentaires résistent encore à l’uniformisation des goûts et des productions, même si d’un continent à l’autre, la situation est très différente.
Ce film se veut un outil pour apprendre à faire soi-même ses semences, ce qui n’est pas très difficile, ne coûte rien, est même un réel plaisir. Ce savoir ne doit pas rester dans les seules mains de spécialistes qui privatisent l’accès aux semences par le brevetage, par la création de variétés hybrides stériles, toutes protégées par une législation de plus en plus restrictive et aux ordres des multinationales. Faire soi-même ses semences procède d’un acte gratuit, qui permet de démystifier ce savoir, et d’être autonome. Il s’agit au contraire d’un patrimoine commun à se réapproprier, à protéger et à faire fructifier.
Jacques Berguerand, Longo maï
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